« La mode se démode, le style jamais » – Gabrielle Chanel

Né à Paris, le 05 avril 1925, Georges Dambier est un élève dilettante jusqu’à sa rencontre avec son professeur : Roland Barthes. Après des études en dessin industriel, il intègre l’atelier de Paul Colin, célèbre affichiste de La Revue Nègre. Georges y appréhende son esthétisme inné.

« Auprès de lui, j’ai tout appris, le dessin académique, le nu, le fusain, la technique de l’affiche, mais aussi la beauté et l’élégance. J’ai commencé à réaliser quelques affiches, j’ai gagné des concours, ce qui m’a donné confiance en moi et l’envie de poursuivre dans cette voie. »

Après son service civil obligatoire, Georges retrouve Paris courant 1943. Il remplace au pied levé un ami maquettiste pour Point de Vue. Transformant l’essai en collaboration, Georges côtoie des maîtres en photographie dont Willy Rizzo qui l’engage comme assistant.

L’après-guerre est marquée par de sévères restrictions et des rapports conflictuels avec les États-Unis. Cependant, la haute-couture et les nuits parisiennes s’américanisent. Georges a manqué les mid-twenties ? Il crée son Paris est une fête. Il fréquente de nombreux clubs et cabarets dont Le Jimmy’s : lieu incontournable de la jet-set. Photographe de table, il prend un instantané de Rita Hayworth et la suit toute la nuit. Georges amène les pellicules à France-Dimanche où la une est annulée pour Hayworth.

Au lieu d’être rémunéré, il tient tête au redoutable directeur de France-Dimanche pour être reporter-photographe. Banco ! Ses collègues font partie de la crème des journalistes, Georges devient un acteur des nuits parisiennes. Il copine avec Eddie Barclay et Sacha Distel, couvre les noces de Rita Hayworth.

Pour Georges, la photographie fixe la réalité du geste et le rattache à l’Histoire. Le graphisme amène une géométrie dans ses clichés, et sa rencontre avec son épouse Françoise le guide vers la photographie de mode. Françoise, mannequin cabine chez Dior est amie avec la jeune Brigitte Bardot et Hélène Lazareff, créatrice de ELLE. Celle-ci pressent l’émancipation des femmes d’une haute-couture élitiste pour une mode démocratique.

« Georges Dambier est un photographe inconnu, mais très connu en son temps. C’est quelqu’un de spécial. » – Michael Hoppen

En 1952, Georges lui propose un reportage en Italie où Françoise présentera chaque jour une nouvelle tenue en un lieu différent. Ces commentaires prendront la forme d’un carnet, illustré par deux célèbres modèles rencontrées lors du voyage : Gigi et Ivy Nicholson. Il s’agit du premier reportage mode. Emballée, la direction publiera le reportage sur deux numéros. La rédactrice en chef de ELLE se souvient : « Georges faisait de chaque photo une scène vivante, expressive. Les séquences de mode n’avaient, grâce à lui, rien de statique ni de figé. Ses reportages racontaient une histoire. »

Précieux collaborateur, il voyagera autour du monde avec son rolleiflex. Ses reportages s’inscrivent dans la lignée de ceux réalisés par Vogue ou Harper’s Bazaar.

Georges devient le photographe de mode français incontournable, de par sa chaleur, sa rigueur, son enthousiasme et l’osmose mutine créée avec ses modèles. Il collabore avec Marie-France, Vogue, Le jardin des modes, l’Express et crée son studio.

La décennie 1950 révèle une lignée de mannequins ahurissants : femmes émancipées, cultivées, aux visages singuliers, à l’élégance innée et au maintien aristocratique ; des êtres prénommés Bettina, Suzy Parker, Capucine, aïeules des supermodels. Se définissant comme un « artisan consciencieux » Georges immortalise leur aura, révélant son profond amour de la femme sous une absolue perfection.

En 1960, il crée Twenty, mensuel qu’il désire beau et culturel. La vague yéyé défile, de Johnny à Dalida, en passant par Deneuve et Moreau. Georges capte le zeitgeist avec du sang neuf : Goude, Matton et Copi, futurs grands artistes.

Directeur artistique chez Dessange, il laisse une empreinte : « Il savait parler aux mannequins, les faire rire, les détendre, pour qu’elles vivent la séance de prise de vue en toute confiance. C’est à Georges que je dois notre image. »

Été 1976, Maurice Siegel en vacances au Chaufourg, discute avec Georges : « Le Week-end devenait la grande préoccupation des Français, leur proposer un journal qui correspondrait à cet engouement nous semblait à Maurice et moi-même particulièrement excitant ». Ce sera VSD au logo imaginé par le directeur artistique Georges Dambier qui y restera vingt ans.

Puis il quitte Paris pour la Dordogne : « J’ai décidé de faire de mon lieu de vacances celui de mes activités professionnelles. J’ai transformé Le Chaufourg en hôtel de charme pour faire de mes nouvelles vacances un travail et de mon nouveau travail un plaisir, un bien-être et mon bonheur jour après jour. »

Courant 2000, Guillaume, le fils de Georges, entreprend l’archivage du travail de son père. Pour lui, « c’est James Bond sans les bagarres, ce sont les voitures de sport, les plus belles filles et les plus beaux endroits au monde… Et la rigolade… » Avec l’aide de Georges, il met une date, un contexte, une anecdote, une histoire sur chaque tirage et contacte diverses galeries.

Enthousiastes, les Américains reconnaissent en Georges une spontanéité, une séduction légère, rafraîchissante, contrastant avec l’esthétique ultra-travaillée de Penn et d’Avedon. Telle une consécration, Cathy Horyn lui consacre un article dans le New York Times quelques mois avant sa mort : « J’ai été attirée par son sens des couleurs et la qualité insouciante de son travail sur la mode, mélangeant joliment la sophistication au sex appeal de la girl next door. »

Georges s’éteint en 2011 en léguant l’image d’une France sublime, intemporelle, où Paris est redevenue capitale de la mode. Toutefois, la déliquescence de cet âge d’or désinvolte est entamée, un apogée dont les Français semblent nostalgiques…

À lire :
Paris Fifties – Regards de Mode par Georges Dambier. Éditions Ramsay
Photographies disponibles sur le site : www.georges.dambier.fr


PAR VIRGINIE MALARD