Depuis 1885, la Maison Drucker travaille le rotin de manière artisanale. Retour sur un savoir-faire devenu le symbole des bistrots parisiens et dont l’histoire continue de se tisser.

Comme les colonnes Morris, les réverbères ou les fontaines Wallace, les chaises de bistrot en rotin canné font le charme de Paris. Celles signées Maison Drucker sont cultes. Elles s’affichent depuis toujours à Saint-Germain-des-Prés, en terrasse des Deux Magots, du Café de Flore, de la brasserie Lipp… Indémodables, elles ont été retenues ce printemps par le groupe de luxe LVMH pour meubler le roof-top du palace Cheval Blanc et surplombent désormais La Seine depuis le toit du bâtiment Art Déco de la Samaritaine.
Mais au-delà de ces mythiques adresses parisiennes, les chaises de bistrot de la Maison Drucker apportent aussi un surplus d’élégance partout où elles s’installent. Tant il est vrai que l’illustre fabrique de meubles en rotin, fondée par Louis Drucker en 1885, compte des clients de la Normandie au bassin d’Arcachon, du Lot à la côte basque. Sans oublier l’international, très demandeur du savoir-faire de la Maison Drucker et de sa « Parisian touch ».

SUZY PARKER. © COLLECTION GEORGES DAMBIER

UNE ENTREPRISE DU PATRIMOINE VIVANT

Il faut dire que presque rien n’a changé dans la façon de travailler le rotin depuis la fin du XIXe siècle. Dans les ateliers de la Maison Drucker, à Gilocourt, dans l’Oise, une trentaine d’artisans continuent de fabriquer à la main chaque meuble. Leur compétence est précieuse et recherchée. Elle se transmet de rotinier à rotinier. Il n’existe en effet pas d’école pour apprendre à étuver le rotin, le cintrer, puis le sécher et former un châssis de chaise. « Il faut compter quatre ans pour savoir monter un siège et de six à sept ans pour apprendre à tisser une assise. Ce sont deux savoir-faire très différents », explique Diego Dubois, le directeur général. Si la main de l’homme est essentielle au travail du rotin, c’est aussi parce qu’il s’agit d’un matériau vivant, à chaque fois différent. Ici, pas de standardisation de la production possible si l’on veut garantir la qualité. Durée de ces opérations de montage et de tissage : six heures pour les modèles de chaises les plus classiques. Jusqu’à cinq fois plus pour les références complexes.

MOBILIER EN ROTIN : LE GRAND RETOUR

Quand en 2006, Bruno Dubois rachète l’entreprise, celleci est pourtant sur le point de disparaître. Mais l’homme d’affaires est cependant convaincu que ce savoirfaire, qu’il fait labelliser « Entreprise du patrimoine vivant (EPV) » la même année, a encore de belles pages d’histoire à écrire. Et il a raison. Ces dernières années, le rotin est redevenu plus que jamais à la mode. Comme dans les années 30 – sa grande époque, il s’invite à nouveau dans les vérandas et les jardins d’hiver, mais aussi plus récemment dans les grandes cuisines pour créer des coins bistrots. « Cette tendance vient des États-Unis et elle arrive en France. L’idée est d’avoir un îlot et des tabourets hauts en rotin, ou une table de bar avec deux chaises. Actuellement, nous avons beaucoup de demandes de professionnels, mais aussi de particuliers et de décorateurs d’intérieur pour créer ces ambiances très parisiennes … », indique Diego Dubois. Les coloris se sont également renouvelés.

Les assises tissées en fibres de rilsan (un polyamide naturel) se déclinent aujourd’hui dans toutes les teintes de l’arc-en-ciel. « Comme pour un tissu, un fil de chaîne et un fil de trame permettent de créer des jacquards. Le rouge et le vert sont les couleurs traditionnelles de la chaise bistrot. Mais les demandes collent de plus en plus avec les tendances mode et déco. En 2022, c’est le céladon qui marche très fort. Entre le vert et le bleu, il se marie facilement avec une multitude de styles », observe Diego Dubois. Autre raison du succès actuel du rotin : il est écologique. Cette tige de palmier, semblable à une liane, pousse autour des troncs d’arbres dans les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. Il doit être coupé chaque année pour permettre aux arbres de respirer.

Enfin, le regain pour le vintage joue aussi en faveur du rotin. Maison Drucker édite à ce titre des fauteuils mais aussi des chaises longues et des confidents qui permettent de replonger dans l’histoire de cette liane qui, indéniablement, n’a pas fini de s’écrire.


Pour en savoir plus :

www.maisonlouisdrucker.com


Par Bénédicte Jourgeaud