Chapeau bas ! Lorsque le plus pétillant ambassadeur de l’hôtellerie et de la gastronomie régionale lègue son luxueux établissement à ses plus fidèles employés…

Chacun de nous en pince encore pour les jolies histoires, précieux reliquats de notre enfance, celles qui exaltent les vertus de la générosité et de la sagesse. Janvier 2019, Bernard Giraudel nous faussait compagnie à l’âge de 93 ans. Paix à son âme. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce drôle de bonhomme, sachez que Bernard était le patron, pour ne pas dire le totem de l’auberge du Vieux Logis, ce « petit » palace étoilé, ce fleuron gastronomique, ce miracle d’esthétisme et de romantisme niché au cœur de l’authentique village de Trémolat – 24510 pour celles et ceux qui sont attachés aux codes postaux.

Portrait de Bernard Giraudel – © DR

« Extérieurement », l’imposante silhouette de Bernard était familière à tous les habitants de « ses » régions environnantes. Connu, reconnu au détour d’une rue, avenant, « copain comme cochon » avec les vrais hommes et femmes de ses terroirs, c’étaient toujours des saluts, des bonjours, des accolades, des retrouvailles… tout un folklore d’amour avec celles et ceux qui formaient à l’unisson son univers quotidien… Le « boss » était un colosse, certes, mais c’était également une trogne, une sacrée trogne de bon vivant, une trogne à la Ernest Hemingway, le Nobel, avec qui il aurait accessoirement pu deviser sur leurs goûts communs pour les chapeaux de paille, une bonhommie à la Orson Welles, avec qui il aurait pu délicieusement fraterniser pour quelques volutes d’un bon cigare…

« Intérieurement », il était tout aussi chantant… Curieux et amoureux de tous les Périgord, conteur à ses heures, Bernard était bilingue de patois, trilingue d’humour, polyglotte de sagesse et d’humanisme. Juif, catholique, protestant, communiste, gaulliste, gitan, franc-maçon  : le regard nullement apeuré par les différences, aucun carcan ni œillère ne pouvaient l’empêcher de s’approcher, de bavarder,d’échanger avec tout ce petit monde. Esprit ouvert, profondément respectueux des autres… il distillait ses convictions jusqu’à son pas-de-porte ! Perso ! Aucun distinguo ! Riches, moins riches, voire celles et ceux qui ont fait péter la tirelire pour venir s’attabler à son restaurant étoilé du Vieux Logis… tous étaient reçus à la même enseigne dans cette vieille auberge familiale transformée au fil du temps en véritable phare de l’hôtellerie de luxe et de la gastronomie en Périgord avec, accrochez-vous les kikis, piste pour… hélicoptère : ce n’est pas rien pour un village, hein ? François Mitterrand, Jacques Brel, Yves Montand, pour les plus anciens… ce fut une kyrielle de vedettes, d’artistes, d’écrivains, de stars internationales qui ont posé leurs valises dans ce petit coin de Dordogne… allez-y humblement tel que vous êtes, dégustez les mets au milieu des somptueux jardins à la Française, vous serez reçu au même titre que toutes ces célébrités qui ont signé le Livre d’Or…

Véritable phare de l’hôtellerie de luxe et de la gastronomie en Périgord.

Ceci pour dire que la réussite économique a été indéniable. Néanmoins, Bernard l’humaniste avait coutume de dire qu’il fallait mettre l’économie au service de l’homme et non l’inverse, précepte qu’il a appliqué jusqu’au bout… « J’ai voulu rendre hommage à mes employés, qui font de cette maison ce qu’elle est. Je leur ai transmise… » En léguant à ses plus anciens et fidèles employés un des fleurons de l’hôtellerie et de la gastronomie, il a placé résolument l’humain et l’avenir avant les petites et égoïstes considérations mercantiles. Pas mieux que ses fidèles employés pour poursuivre un rêve, poursuivre une tradition, poursuivre un travail reconnu… C’est cette vieille garde rapprochée qui aujourd’hui, de manière collégiale, prend soin de l’héritage et perpétue la tradition… La tradition de celui qui se voulait être un marchand de bonheur… et ça marche… une sacrée leçon d’humanisme, un doux parfum d’intelligence sans les préjugés communs, qui pourrait émaner du célèbre livre de Thomas More, Utopia… Une réussite à méditer…

Pour en savoir plus :
Bernard Giraudel, une légende en Périgord
Jean Bonnefon, Éditions Secrets de Pays.


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Par Phoebe Delune