À la rencontre d’une incroyable collection privée, sans doute l’une des plus vastes collections d’art soviétique qui soit à travers le monde. Cette collection unique en son genre a désormais un point d’ancrage au cœur d’un splendide hôtel particulier au centre de Bordeaux…

Soyons sans équivoque. Avant que des esprits tendus ne s’avisent de nous lézarder l’ambiance, il nous faut sereinement poser les choses… Oui, à l’heure actuelle, la Russie post soviétique est un pays qui se noie littéralement en tentant de nager à contre-courant du sens commun. Les guerres, la géostratégie sont des choses dont la culture n’a que faire. À ce titre, sous prétexte d’un épouvantable conflit, devons-nous jeter au feu les œuvres de Dostoïevski, de Tolstoï, placardiser les films d’Eisenstein, nous détourner des symphonies de Prokofiev, de Stravinsky ? Bien sûr que non. Ne tournons pas autour du pot… Il en est de même pour les arts plastiques, avec notamment ce que l’on nomme l’art soviétique : un mouvement artistique à part entière, un art russe unique en son genre qui s’est étendu sur toute la période du régime soviétique, de son avènement à son effondrement lors de la chute du mur de Berlin… Soixante-dix années d’histoire artistique, une bulle temporelle qui en fait aujourd’hui un miroir unique de notre histoire. Dès lors, l’esprit libre apaisé et ouvert, découvrons donc de quoi il en retourne de ce fameux art…

À tout seigneur tout honneur, il nous faut tout d’abord convoquer Olivia, cette Française collectionneuse d’art soviétique qui va très prochainement ouvrir une galerie dans son hôtel particulier au cœur de Bordeaux… Olivia, sachez de suite, que ce n’est en aucun cas la femme « potiche » d’un quelconque diplomate, qui ne sait que faire de ses journées… Olivia est une jeune femme dynamique qui, jusqu’en 2016, vivait et travaillait à Moscou pour un grand groupe international… Ici, dans la capitale russe, elle se promène d’autant plus facilement dans le grand Moscou qu’elle parle couramment le russe. Elle échange, elle rencontre, elle chine… elle est curieuse… Elle part à droite, à gauche, elle déambule, elle découvre… elle se lie d’amitié avec une modéliste qui lui fait découvrir le mouvement artistique que l’on nomme aujourd’hui art soviétique. Premier choc esthétique et coup de foudre pour ce mouvement qui recèle une foule de grands maîtres, certes inféodés à un art officiel, mais de grands maîtres quand même. De fil en aiguille, elle achète un premier tableau, explore des galeries improbables jusqu’au dixième étage de certains immeubles… (Oui, nous sommes à Moscou… et non dans le Marais parisien)… un vrai travail de défricheuse, car après la chute du mur de Berlin, on avait joyeusement bazardé toutes ces œuvres officielles dans les greniers pour tenter d’oublier le passé. Zélée, Olivia déniche des œuvres majeures et jette ainsi les bases d’une véritable collection, quelque peu unique au monde puisqu’elle ne possède aujourd’hui pas moins de trois cents œuvres. D’ailleurs, depuis Bordeaux, elle enrichit sans cesse sa collection en restant en contact avec des galeristes jusqu’aux États-Unis… un appétit sans faille, qui fait indéniablement d’Olivia une collectionneuse hors pair pour ce mouvement artistique si particulier…

Ce mouvement si particulier, justement parlons-en. De suite, il faut savoir que la caractéristique de cet art était de rendre visibles les valeurs soutenues par le Parti communiste et que cet art devait être vu par le plus grand nombre… non seulement pour les personnes de haut rang, mais également pour les ouvriers, les salariés qui se rendaient dans les musées locaux pour admirer le mouvement providence… le mouvement protecteur. Tout comme dans la franchise Marvel aux USA, dans ce mouvement artistique qui glorifie sans détour tout un panel de vertus chères au parti, sont alors apparus de nouveaux héros… Bon, ici, les héros sont quelque peu différents… plus humbles… ils semblent surhumains et tellement humains à la fois… ils sont soudeurs, métallurgistes, athlètes, soldats, instituteurs, agriculteurs… qu’importe la condition sociale. Cette peinture soviétique, à travers tous ces personnages, respire l’optimisme… et c’est cet optimisme qui est mis à l’honneur aujourd’hui. Le Grand Palais a récemment consacré une exposition dédiée à cet art, exposition intitulée : « Rouge : Art et utopie au pays des Soviets ».

L’engouement pour cet art est tel que la pop culture s’est aujourd’hui emparée de ses codes à travers la mode, le design… En quelque sorte, une seconde vie pour l’ère soviétique.


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Article par Phoebe Delune
Photos : © Anne-Sophie NIVAL | Studio Hans Lucas