Dans son atelier près de Périgueux, Nathan Lafargue transmute le métal pour fabriquer des ouvrages magistraux et des objets design. À 38 ans, le ferronnier d’art cherche à repousser les limites de la création, dans un dialogue entre l’esprit et la matière empreint d’humilité.

Depuis longtemps, Nathan Lafargue savait une chose : il apprendrait un métier dans lequel son corps pourrait s’exprimer. Un métier de création et de liberté, comme seul l’artisanat d’art peut en offrir. Il raconte que c’est en cherchant l’origine de son patronyme sur internet qu’il a eu le déclic. Lafargue signifie « la forge ». Alors, Nathan est devenu forgeron.

« J’aime bien la résonance du métal, j’ai toujours aimé les ouvrages métalliques », dit-il. Nathan a débuté dans le hangar à caravanes de son grand-père, à Coulounieix-Chamiers, avec un barbecue en guise de forge et un rail de chemin de fer pour enclume. Le jeune homme s’est vite distingué par son talent et sa force de travail, décrochant dès sa première année de formation le titre de meilleur apprenti de France. À 23 ans, en 2008, il se voyait confier son premier grand ouvrage : la réalisation de la porte triptyque de la médiathèque de Trélissac. Cette grille au design inspiré d’une toile, bien connue des Périgourdins, a lancé sa carrière.

« L’artisanat, c’est un chemin de vie. »

Depuis dix-sept ans, dans son atelier, il fait naître du feu des œuvres de ferronnerie uniques : escaliers, garde-corps, portails, vérandas… mais aussi du mobilier. L’un de ses chantiers les plus prestigieux est la conception d’un portail colossal pour le château de la Forge du Roy à Mauzens-et-Miremont : une pièce en acier de 6,50 mètres de hauteur et 3,8 tonnes, réalisée selon les méthodes traditionnelles des ferronniers du XVIIIe, au marteau et à l’enclume, sans moyen de levage ni soudure. Nathan a à cœur de démocratiser la ferronnerie d’art et de la rendre accessible aux particuliers. Il va jusqu’à soumettre à ces derniers un questionnaire de Proust pour créer une œuvre reflétant leur identité. Adepte du minimalisme (« less is more »), il confesse chercher encore son style et apprendre chaque jour en poussant plus loin les limites de son imagination, de sa technique et de son corps. « L’artisanat, c’est toi face à la matière. Tu déformes la matière, mais elle te déforme aussi en retour. L’expression “c’est en forgeant qu’on devient forgeron” ne vient pas de nulle part : il faut se donner les moyens d’arriver aux choses. On n’y arrive pas du premier coup, il faut recommencer. L’artisanat, c’est un chemin de vie. »

Une ligne de meubles contemporains en projet

D’une curiosité insatiable, Nathan se consacre de plus en plus à la création de mobilier, sculptures et pièces décoratives contemporaines, qui requièrent davantage de subtilité dans les finitions. Il souhaite collaborer avec des designers et des galeries, et ambitionne de proposer une ligne de meubles à la Design Week de Milan dans trois ans. Fils de l’architecte renommée Line Crépin, il a grandi dans la culture des belles choses.

Ce qui l’anime ? Fabriquer des objets pérennes, dans des matériaux durables, qui perpétuent des savoir-faire et se transmettent de génération en génération. « S’ils sont faits dans les règles de l’art, ils seront toujours là dans 600 ans », affirme Nathan, qui s’érige contre le consumérisme et la standardisation. « J’aime bien que ce métier ait 5 000 ou 6 000 ans. C’est fou que les ferronniers d’art existent encore dans l’univers des Mac et d’Elon Musk », s’étonne cet alchimiste du métal, convaincu d’exercer le plus beau métier du monde : celui qui permet une fusion parfaite entre le corps et l’esprit.


Informations pratiques :

Atelier Fusion
Nathan Lafargue
Lieu-dit Marival
Coulounieix-Chamiers
Tel : 06 98 34 34 13
www.nathanlafargue.com


Par Maéva Louis
© Photos Luc Fauret