Ah Gustave Eiffel ! Celui qui avec sa tour a raflé la gloire, envoyant de facto les autres ingénieurs direct aux oubliettes de l’Histoire. Mais pas question qu’un gars du coin se fasse chiper la vedette ! Car à la même époque, Ludovic Gaillard, bâtisseur de génie, a lui aussi laissé sa marque un peu partout sur le globe… et sans en faire des caisses !

Alors qu’en 1872 le bouillonnant Jules Verne s’éclatait à inventer un tour du monde en 80 jours, misant sur l’expansion effrénée des chemins de fer et des ponts reliant des contrées exotiques, Ludovic Gaillard, lui, était déjà sur le terrain, transformant cette douce fantaisie romanesque en une réalité bien concrète. Né en 1838 à Sorges (en Périgord vert), Ludovic Gaillard n’a pas suivi la voie pépère de la papeterie familiale. Oh non, lui avait des ambitions beaucoup plus vastes : relier l’impossible, redessiner le monde avec des lignes droites et des courbes audacieuses, des traverses et des rails à perte de vue, percer des montagnes, ériger des ponts et des viaducs comme on joue aux Lego… le tout dans le noble but de rapprocher les hommes. Vous dire la démangeaison de ce gars du cru… imaginez donc la scène : à peine 12 ans, il plonge tête la première dans l’enseignement industriel au Lycée de Périgueux comme un gamin qui découvre le manège le plus dingue de la fête foraine. Et deux ans plus tard, à seulement 14 ans, le voilà déjà assistant ingénieur au Corps des ponts et chaussées de Dordogne. Sérieusement, qui fait ça à 14 ans ?

Ludovic Gaillard, bâtisseur périgourdin du XIXe siècle
©Photo Libre de droits

Et là, mes amis, le show architectural commence… Maîtrisant les nouveaux joujoux technologiques de l’époque – théodolites, calculs logarithmiques, trigonométrie et tout le tintouin – Ludovic se voit rapidement confier un projet d’envergure : conducteur de travaux pour le percement du tunnel de Thiviers, un des premiers à oser la pente et la courbe. Et là, il ne s’agit plus seulement de tracer des lignes droites, mais de faire danser la géométrie sous terre ! Une réussite éclatante… si bien que de conducteur de travaux, il grimpe les échelons pour devenir ingénieur en chef, puis plus tard directeur des études. Il enchaîne alors les projets comme un DJ en pleine transe : de Périgueux à Tulle, de Poitiers à Royan. Mais attendez, ce n’est pas tout ! En 1885, notre Gaillard entre dans le Conseil d’administration de la Société des Batignolles, l’une des grandes entreprises françaises de travaux publics. Là, il ne se contente pas de siroter du champagne et de faire des discours ennuyeux : il façonne le monde, s’attaquant à des chantiers d’envergure mondiale. Des lignes de chemin de fer de Hanoï à Pékin, de Beyrouth à Damas, en passant par la Turquie, l’Algérie, la Tunisie et même l’Égypte.

Le Pont Marguerite de nos jours, il relie Buda et Pest en Hongrie
©Photo Libre de droits

Alors que reste-t-il de ce tourbillon d’ingénierie, de ce vaste réseau tissé avec une précision d’orfèvre ? Des gares, des viaducs, des ponts, des voies de chemins de fer que vous empruntez encore aujourd’hui sans même y penser… Parmi les exploits chapeautés par notre cador, trois se démarquent : le Pont Marguerite à Budapest, le Pont de la Trinité avec sa travée mobile à Saint-Pétersbourg, et enfin le pont Faux-Namti, cette merveille d’ingénierie qui nargue encore aujourd’hui les plus téméraires des architectes… une prouesse technologique toujours montrée en exemple dans les grandes écoles du monde entier… Enfin, pour les plus curieux, bonne nouvelle : grâce à une bande de passionnés, Ludovic Gaillard a enfin son livre… il était temps qu’on lui rende justice… D’ailleurs, en le lisant, vous découvrirez que notre homme avait bien d’autres cordes à son arc… papetier, photographe, humaniste et passionné… un gars qui avait un CV plus long qu’un viaduc, et aussi solide que ses ponts !

Par Ophélie Pessoa
Photo principale : Le Pont Marguerite pendant sa construction, document Forte-Plan de 1921, photo de 1874 ©Photo Libre de droits


À LIRE

  • Ludovic Gaillard
  • Bâtisseur périgourdin du XIX e Ingénieur, papetier, photographe
  • Par François Baudez, Noëlle Duvernois et Patrick Spinosa
  • Préface d’Isabelle Hyvoz
  • Format 20 x 26 cm – 120 pages couleurs
  • 22 €
  • www.yvelinedition.fr/Ludovic-Gaillard