Passionnée par le cinéma et la photographie, Séverine Deluc nous plonge avec sa série « À Nu » dans l’intimité des salles de bain d’inconnus. Minimalistes, baroques, luxueuses ou délabrées… ces pièces refuges se dévoilent à nous avec pudeur.
Chargée de trouver des lieux de tournage pour des réalisateurs de cinéma, Séverine Deluc a réuni, au fil des années, une collection impressionnante de photographies d’appartements et de maisons dont certains sont devenus des décors de films. Au cours de ses repérages, les salles de bain ont toujours tenu une place à part, jusqu’à se transformer en un projet artistique baptisé « À Nu ». Ce travail fait désormais l’objet d’expositions dans des galeries d’art. Si certains clichés traduisent une ambition et un parti pris stylistiques, d’autres non. « La décoration de ces pièces n’est pas ce qui est important pour moi. Mes photographies ne sont pas destinées aux magazines de déco. Ce que je cherche à montrer, c’est ce qu’elles peuvent dévoiler au-delà de ce que l’on saisit au premier abord. C’est pourquoi il y a souvent deux niveaux de lecture. Il y a ce que l’on voit et puis il y a ce qui se cache, c’est-à-dire ce que chacun va pouvoir imaginer, projeter. C’est cette approche qui me plait », explique l’assistante mise en scène.
Hôtes invisibles
Il y a dès lors quelque chose d’émouvant et de troublant à pénétrer dans ces salles de bain dont les hôtes restent invisibles. Par la magie de la suggestion, ces images se mettent alors à nous raconter leur histoire. Ainsi, ce cliché où apparaît sur le miroir le mot « pilule » inscrit au rouge à lèvres, en guise de mémo. Ou encore cette image mettant en scène une pièce surchargée en serviettes de toilette comme des témoins d’une famille très nombreuse. Ailleurs, c’est une accumulation de produits de soin et de beauté qui retient l’attention, manifestation peut-être des angoisses des occupants à se voir vieillir dans leur glace. Là, c’est l’absence totale de signes de vie qui interpelle, un duo de peignoirs blancs aux allures de fantômes. Mais ces interprétations sont-elles vraies ou nos propres projections ? « Ce qui est étonnant, c’est que mes photographies suscitent souvent des explications très différentes », confie Séverine Deluc.
Séries et répétitions
La scénographie du projet « À Nu » raconte elle aussi une histoire. Certains clichés s’affichent en 70 cm x 100 cm comme cette pièce avec baignoire, bidet et toilette à la moquette rouge carmin dont l’étrangeté est renforcée par ce grand format. D’autres tirages de petites tailles (21 cm x 29,7 cm) sont associés par couleurs, à la manière d’un nuancier, puis réunis comme s’ils formaient un carrelage mural. Cette mise en scène illustre le goût pour la série et la répétition que la photographe a travaillé au sein de la Nikon School, après des études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Paris VIII. Séverine Deluc n’a pas encore été amenée à repérer des salles de bain en Dordogne pour des tournages de films, mais cela viendra peut-être… « Cela me plairait d’autant que je possède des racines périgourdines du côté de ma famille paternelle », sourit la chasseuse d’images.
Par Bénédicte Jourgeaud
Photo principale : ©Photo Séverine Deluc