Que ce soit pour le plaisir de décanter un grand cru dans une carafe datant du XVIIIe ou de boire du champagne dans des flûtes en cristal Baccarat des années 30, on attrape vite le virus de la verrerie ancienne.
La verrerie ancienne a quelque chose d’enivrant pour qui décide de s’y intéresser. « Il y a des mordus, des vrais collectionneurs qui vont rechercher toutes sortes de pièces rares ou insolites », atteste l’antiquaire Daniel Bordas. Comme chez nombre de ses confrères, on retrouve dans sa boutique à Périgueux, des verres à boire, des carafes, mais aussi des vases et des objets étonnants comme un biberon en verre du XIXe siècle destiné aux agneaux ou une bouteille à alcool anglaise au verre très sombre qui date du XVIIIe siècle comme en atteste sa « piqûre », un jargon du métier pour désigner un fond de bouteille particulièrement creusé.
Au néophyte qui souhaiterait partir à la chasse à ces trésors, Daniel Bordas livre quelques conseils dont celui d’observer la base du verre : « Il doit y avoir une cassure. C’est la marque du pontil, la partie qui reliait la pièce soufflée à la canne du souffleur et qui a été cassée et recollée dans la piqûre. Si vous sentez ce tranchant, vous avez alors entre les mains une production qui peut être considérée comme ancienne », explique-t-il.
On peut également juger de l’irrégularité de l’objet qui est aussi signe de son âge. Autre point à observer : les anses des carafes et des pichets. « Si elles sont creuses, c’est qu’elles datent d’avant la première moitié du XIXe », signale l’antiquaire.
Tous ces codes de fabrication racontent à leur manière l’histoire du verre et des arts de la table. « La grande période du verre utilitaire, dit d’usage, apparaît à la fin du XIXème, soit à partir de Napoléon III, aux prémices de l’Art nouveau. On peut cependant trouver chez certains antiquaires quelques pièces du XVIIIe siècle, mais cela est plus rare. Celles-ci sont généralement vendues en salles des ventes ou alors réservées aux musées », indique le verrier périgourdin Allain Guillot, expert en archéologie du verre et Meilleur Ouvrier de France.
Outre sa période, c’est aussi son état qui participe à la valeur d’un objet chiné. Antiquaire à Brantôme, Henri Boussarie cite en exemple son acquisition d’une cave à liqueur composée de quatre carafes et de huit verres en cristal Baccarat datant de l’époque de Napoléon III. « Ce coffret est exceptionnel car complet et non abîmé. Tout est d’origine ! », explique l’antiquaire, toujours sous l’effet du coup de cœur qu’il a eu pour ce bel objet dont la rareté a bien évidemment un prix qui dépasse les mille euros. Mais on peut démarrer une collection sans pour autant se ruiner. Il est possible de trouver de belles productions à partir d’une vingtaine d’euros. D’autant que les prix ont baissé. « Il y a quinze à vingt ans, le verre avait le vent en poupe. Ces dernières années, c’est un peu retombé mais c’est justement l’occasion de commencer une collection. Pour ça, il faut faire des choix, un type d’objet, de couleur… Actuellement, par exemple, la demande est en hausse pour les bouteilles à sujet animal ou tête d’homme », observe Allain Guillot.
Enfin, pour s’y repérer, il y a aussi ces signatures illustres et connues : Saint Louis, Daum, Baccarat, Muller, Schneider, Lalique, Legras… ou encore Emile Gallé pour ses objets en verre multicouche (et non en pâte de verre). Mais déchiffrer ces grands noms demande là aussi une vraie expertise. Ces maisons ont en effet fait évoluer leur signature selon les époques et celles-ci ont parfois été inexistantes, comme c’est le cas des créations de Baccarat avant 1875. Ce qui fait dire à Fabienne Heraut, antiquaire au Bugue, que « c’est le coup de cœur et l’état général qui doivent orienter les choix, bien avant l’estampille ». Pour preuve, elle propose des services à verres complets et en excellent état qui ont moins de cinquante ans, dont un des cristalleries Saint Louis. « Il n’a jamais servi et c’est ce qui fait sa valeur. Il était destiné à un mariage qui n’a pas eu lieu… ». Ou quand le malheur des uns fait le bonheur des autres.
Daniel Bordas
10 rue Chancelier de l’Hôpital
Périgueux
Henri Boussarie
6 rue Gambetta
Brantôme
Fabienne Heraut
La Grange Antiquités
79 route de la Gare
Le Bugue
Propos recueillis par Bénédicte JOURGEAUD – Photo © YVAN REITSEROF – © Propriétés du Périgord