Le Piper Cub, ou Piper J-3 est un avion léger dont la conception remonte à la fin des années 1930. Construit à des milliers d’exemplaires, il reste aujourd’hui un des avions à train classique les plus connus et appréciés.
Un vénérable « coucou » de la Seconde Guerre mondiale qui a pour aérodrome et port d’attache une élégante chartreuse périgordine, pour chevalier-pilote un gentleman octogénaire : à coup sûr, ce n’est pas franchement banal !
– Tango Zulu… à Petit Castor… position 4-4-3… colonne de panzer… je répète… colonne de panzer…
– Ici Petit Castor… bien reçu Tango Zulu… terminé…
Peu ou prou, c’est typiquement le genre de nappe sonore que l’on pouvait capter à l’intérieur du cockpit de cet avion de reconnaissance… De fait, lors du D-Day et des jours qui suivirent, ce Piper, comme tant d’autres appareils de sa catégorie, repérait les chars allemands et en informait les forces alliées… à ces dernières le soin de mettre ensuite un grand coup de torchon en collant une bonne tannée aux vilains envahisseurs… car il faut le savoir : composé uniquement de bois, de toile et de ferraille, ce Piper est un avion «pacifique»… aucun armement… il ne ferait pas de mal à un papillon !
Première éclaircie…
De nos jours, aux commandes de son Piper, monsieur Gonzague de Bonfils décolle des hauteurs de la charmante commune de Liorac sur Louyre, une longue piste d’herbe verte à travers les bois de son domaine, avec – excusez du peu – des luminaires en file indienne pour les atterrissages de nuit… Où va-t-il ? Nul ne le sait, lui le premier ! Il papillonne, il prend un grand bol d’air, c’est sa passion que de se promener cockpit ouvert à faible altitude et survoler notre Dordogne…
Un détour sur le cingle de Trémolat, un rapide survol du magnifique château de Bannes, un rase-motte sur les champs de tournesols et retour au bercail pour siroter le plus simplement du monde une bière bien fraîche dans sa cuisine… Oui, oui, le plus simplement du monde… car les apparences sont parfois trompeuses… Ignorez soigneusement la particule accolée à son nom de famille, ignorez son prénom d’un autre temps… Monsieur ne fait pas dans le chichi, genre cocktail Malibu avec le petit doigt en l’air… que non… c’est dit…
Aujourd’hui, ses pérégrinations aériennes sont mesurées… Pourtant, il fut un temps où notre fringant Gonzague écumait la région voire au-delà, pour offrir des baptêmes de l’air lors de kermesses et autres fêtes de villages… C’étaient les trente glorieuses, une époque où peu encore avaient eu le loisir de grimper dans un avion… Une époque également où ce brave « papounet » se rendait régulièrement à Bordeaux aux manettes de son appareil pour récupérer sa fille, étudiante en médecine… fini les embouteillages, tous deux filaient ensuite à travers ciel pour aller savourer quelques jours de vacances à l’île d’Oléron… et sans doute quelques fruits de mer également. Freedom ! Une époque où, avec un peu de trigonométrie, il partait par monts et par vaux découvrir de nouveaux mondes…
On ne chôme pas ! Certes, aérien, mais tout aussi terrien, cet ancien grand antiquaire doit également s’occuper de son domaine : quatre-vingt hectares de bois, de prés, de vallons et d’arbres bicentenaires avec en son cœur une magnifique chartreuse du XVIIIe siècle accompagnée de moult dépendances : La Tissanderie… On troque donc le Piper pour le tracteur… car c’est du boulot que de conserver le magnifique… Passons sur les contingences quotidiennes, les photos sont là pour attester de la bonne tenue de la «boutique»… Parlons sémantique – n’ayez crainte, ce n’est pas douloureux : une chartreuse ? Alors, c’est quoi au juste ? Spécificité du Sud-Ouest et notamment de la Dordogne, c’est une maison de maître, bâtie entre 1650 et 1850 environ, en référence à l’ordre des chartreux ; ces maisons-là sont donc en pleine campagne, à l’écart des villages. De forme rectangulaires, de plain-pied, elles sont parfois, comme à la Tissanderie, rehaussées de bâtiments qui forment une cour des plus agréables… Voilà, décidément, on se couchera moins bête ce soir. Longue vie au gentleman volant…
“ON TROQUE DONC LE PIPER POUR LE TRACTEUR… CAR C’EST DU BOULOT QUE DE CONSERVER LE MAGNIFIQUE…”
Par PHOEBE DELUNE