Dans les coulisses d’une production bien planquée au cœur du Périgord pourpre… Benoit nous ouvre les portes de son royaume… Enfilez vos bottes et accrochez-vous, ici, on ne cultive pas n’importe quoi… ici, on bichonne une culture aussi rare que précieuse : celle de la morille.

La culture de la morille, c’est un peu comme jouer à un jeu de société dont personne ne connaît vraiment les règles, mais où tout le monde est certain d’une chose : c’est cher. Véritable diva du monde fongique, la culture de la morille est un art qui se situe à la croisée de l’artisanat, de l’intuition et de la science. Ajoutez à cela une bonne dose de passion et une pointe d’inconscience… et vous comprendrez l’effort monumental derrière chaque récolte. En France, seuls quelques aventuriers osent se lancer dans cette quête capricieuse. Parmi eux, notre Benoit local, dont les précieuses morilles ont fini par atterrir dans l’assiette d’un certain Barack Obama. Oui, monsieur, l’ancien président des États-Unis himself a savouré ces petites merveilles venues tout droit du Périgord ! Rien que ça !

Mais avant d’atteindre ces sommets de gloire gastronomique, il faut d’abord enfoncer ses bottes dans la gadoue. Benoit vous le dira : « À partir du moment où le mycélium est semé (automne), on ne peut plus le quitter des yeux. Il faut anticiper chaque jour la météo et agir, ou pas, en conséquence. Protéger de la pluie, du vent, anticiper les grands gels, ne jamais laisser la surface du sol s’assécher… C’est une présence quasi quotidienne tout l’hiver, dans la boue, sous la pluie et le froid… » Vous l’aurez compris, on est loin de la culture de topinambour !

Benoit Schmeltz, maraîcher © Photo DR

Le pari est d’autant plus admirable que dans un monde agricole souvent accaparé par la production intensive, Benoit incarne un retour aux sources, un hommage à la patience et à l’amour des produits rares. « Moi j’ai grandi dans le coin mais je reste un étranger pour la plupart des gens du cru parce que je ne suis pas là depuis le Moyen Âge. Les agriculteurs du coin m’ont regardé m’installer de loin et puis ils attendaient de voir ce que je faisais et quand ils ont vu mes beaux jardins ils ont commencé à me respecter et c’est surtout quand je les ai emmenés voir les morilles (ils ne savaient pas qu’on pouvait cultiver ça). Je suis devenu une espèce d’agriculteur sorcier on va dire et j’ai eu droit à une espèce de respect complet de leur part. Ces gars-là me payent un coup à boire dans les fêtes de village, ce genre de truc c’est vraiment à cause de la morille. »

« J’ai l’habitude de dire que les morilles, c’est comme l’or, le diamant ou le pétrole : ça rend les gens fous. »

Respect… et il vaut mieux, parce que cultiver des morilles, c’est embrasser l’incertitude. On n’est jamais complètement maître de la situation. C’est un vrai casse-tête météo : pluie, vent, neige, type de sol, essence d’arbres… tout joue un rôle. Benoit, lui, a choisi un terroir particulier. Ses cultures sont mi-sauvages, mi domestiquées. Il sème le mycélium là où la nature est déjà propice et laisse faire le reste. « Mon sol est argilo-calcaire, riche en matière organique, que je renouvelle chaque année avec du compost. Et puis au printemps, avec le premier réchauffement du sol, l’augmentation de la durée du jour et les premiers rayons de soleil, tout d’un coup, ça sort. Des milliers de primordia d’un millimètre deviennent, en quinze jours, des morilles. »

Et Benoit de conclure, sourire en coin : « J’ai l’habitude de dire que les morilles, c’est comme l’or, le diamant ou le pétrole : ça rend les gens fous. » Alors, la prochaine fois que vous croisez une morille dans votre assiette, pensez à tout ça. Parce qu’avant d’atteindre vos papilles, ce petit trésor a déjà traversé un champ de bataille climatique, a été chouchouté comme une star de cinéma et a peut-être même reçu la bénédiction d’un « sorcier » du Périgord.


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Par Phoebe Delune
Photo principale : © Photo DR