Ultra résistants et écologiques, les bardeaux de bois réapparaissent progressivement. Ils ne sont plus qu’une dizaine en France à les fabriquer et à perpétuer ainsi la tradition. Dont Gabriel Darcy installé depuis peu dans le Périgord Noir au plus près de sa matière première : le châtaignier. 

Ensoleillé, le plateau de Pech Jouan à Archignac offre sa vue sur la vallée, les forêts de châtaigniers et leurs feuilles finement dentelées. L’Atelier du châtaignier de Gabriel Darcy embaume le bois fraîchement travaillé, il est 9 heures et ça pourrait être un moment idéal pour un café. Mais l’artisan bardelier a à cœur de partager sa passion des bardeaux de bois, ces planchettes de châtaignier qu’il travaille depuis maintenant plusieurs années, à Archignac. Il doit répondre au téléphone souvent aussi, reflet d’un carnet de commande rempli. Devant son atelier, 70 m3 de troncs attendent d’être débités en «  quartier alterné  », suivant des techniques et une dextérité ancestrales.

« Autrefois, on voyait beaucoup de toits en bois dans les régions forestières. On utilisait le bois pour les toitures de châteaux mais aussi les simples maisons, surtout dans les régions montagneuses où les toitures en bardeaux peuvent supporter le gel et le poids de la neige. Les Églises des Carpates sont encore recouvertes de bois. En Périgord, le clocher du cloître de Cadouin et beaucoup de moulins du bergeracois ont un toit de bois », souligne celui dont le coup de cœur pour le bardeau de châtaignier n’est pas si ancien. «  Dans la Creuse, à Anzême, avec ma femme, nous vivions en face de l’église et de sa toiture en bardeaux. J’étais fasciné par les reflets changeants de la toiture selon la lumière du jour », se souvient l’ancien jardinier paysagiste aux allures de bûcheron. Quand il s’installe en Périgord, il travaille pendant huit ans aux Jardins de Marqueyssac et d’Eyrignac et se rapproche des feuillardiers, ces artisans qui fabriquent des cercles en lattes de châtaigniers enserrant les tonneaux de vin. En 2020, il se lance dans la réalisation du toit de son atelier en bardeaux de bois. C’est le début de l’admiration pour ces planchettes qui donnent aux toitures l’allure d’immenses claviers de piano aux grandes touches châtains… Il monte alors son entreprise et rejoint officiellement le cercle très restreint des onze artisans bardeliers français.

Entre ses mains, le départoir et la mailloche, les outils traditionnels, ont été remplacés par une fendeuse hydraulique mais l’attention à la matière reste la même. Fendre, effiler, rectifier, nettoyer l’aubier à l’aide de la coutre à queue d’hirondelle puis ajuster le nez du bardeau… Pour être sûr de se faire comprendre, Gabriel Darcy offre un véritable ballet de gestes ajustés.

« Le bardeau doit être fendu dans le sens du fil du bois et non scié ni coupé », insiste-t-il. « C’est ainsi que l’eau suit le fil du bois, glisse rapidement de bardeau en bardeau, sans que le bois fasse éponge. Aussi, pour que l’eau coule mieux, le toit doit avoir une inclinaison d’au moins 30 degrés » précise-t-il. A la faveur de la crise énergétique qui a fait augmenter le prix de la tuile, et des préoccupation environnementales, les toitures en bardeaux de bois sont devenues plus attractives. « Le châtaignier est un bois naturellement imputrescible, il ne nécessite aucun traitement chimique préventif ni curatif. En plus, il se comporte sur un toit comme dans une forêt, c’est un vrai piège à carbone ! ». Selon Gabriel Darcy, les toitures de bois ont une durée de vie de plus de cent ans. De plus, le châtaignier repousse très vite après la coupe, sur souche, limitant ainsi les effets de la déforestation.

Le châtaignier est un bois naturellement imputrescible, il ne nécessite aucun traitement chimique préventif ni curatif.

Le bardelier défend un métier et des gestes traditionnels mais cela ne l’empêche pas d’être hyper connecté et imbattable en matière de réseaux sociaux. Sur son « Insta », plus de 5 000 followers suivent ses stories où il évoque son métier, les techniques anciennes, partage des ressources pédagogiques, poste des photos où le bois est toujours célébré. « Le retour de la demande n’est pas du folklore, la demande est réelle », veut-il préciser. Il a réalisé la toiture des quatre tours du domaine de Vieillecour dans le nord de la Dordogne, des toitures de cabanes et des bardages de pool house, des toits à Martel et à Lacanau… Presque toute sa production part dans les Pyrénées, en Charentes et Haute Savoie chez des couvreurs et des architectes. De nombreux particuliers le remercient chaleureusement sur son site. Il travaille aujourd’hui pour un chef décorateur de cinéma qui a de grands projets de bardage au château de Fénelon afin de répondre aux besoins d’un tournage d’une série.

Comme s’il avait fait le tour de ce qu’il voulait transmettre, le débit de paroles de Gabriel ralentit. Maintenant, c’est le bon moment pour le café.


À propos du château de Vieillecour :

Il se situe en Périgord vert, à proximité de Saint-Pierre-de-Frugie. C’est une propriété privée avec activité de gîte au cœur du parc national Périgord-Limousin. Il se présente sous la forme d’un quadrilatère incomplet bordé de douves sèches sur deux côtés. L’enceinte, ponctuée de cinq tours rondes et d’une tour carrée, a conservé ses mâchicoulis. Il est inscrit au titre des Monuments Historiques depuis le 4 octobre 1946.
www.domaine-vieillecour.fr


Informations pratiques :

Atelier du Châtaignier
Gabriel Darcy
Bardeaux fendus
Pech Jouan, Archignac
06 42 43 47 05


Par Thierry Pasquet
Photo principale : Gabriel Darcy, artisan bardelier © Photo DR
Photo du Château de Vieillecour vu du ciel : © Photo Jean Mathias Correard
Autres photos : © Photo DR