C’est du local, c’est du mondial… c’est l’épopée, c’est l’apogée d’un avant-gardiste, devenu un « pape» du design international… Au crédit de sa virtuosité, tout un univers de volutes et de lignes métalliques qui ont fait leurs entrées dans les plus grands musées du monde…

J’appelle artiste celui qui crée des formes… et artisan celui qui les reproduit… c’est en tout cas ce que proférait l’inénarrable André Malraux. Bravo Dédé… mais ça colle pas… Pour preuve, notre André Dubreuil à nous était les deux à la fois et dépassait largement ces étiquettes. Était, car notre André local nous quittait en 2022 à l’âge de 70 ans sur ses terres familiales de Mareuil au nord-ouest du Périgord… Alors oui, artiste-artisan designer, notre Dédé à nous était double casquette dans sa création artistique et dans sa déclinaison et production d’objets du quotidien… Chaises, commodes, miroirs, pendules, lustres, etc etc… autant de meubles et d’objets communs qui, entre ses mains, se sont également transformés en fleurons d’ameublement pour les décorateurs et les collectionneurs les plus exigeants et accessoirement les plus fortunés du monde… tels que, l’exalté Karl Lagerfeld, l’ineffable Bernard Arnault ou même le discutable Jeff Bezos, big boss d’Amazon… bref, le genre de meuble où le moindre pied vous coûte une fortune… Mais avant d’en arriver à cette forme de reconnaissance, avant de recueillir les lauriers de son succès, notre André designer avait, comme beaucoup d’entre nous, quelque peu roulé sa bosse… Eh oui, n’est pas Mozart qui veut… le talent, beh, ça s’acquière, ça se façonne et ça se bichonne…

Pas le choix ! À l’instar de notre jeunesse actuelle, notre André a donc débuté sa carrière par… des stages… chez des antiquaires, où il découvre l’extraordinaire maîtrise et minutie des grands-maîtres ébénistes… dans la lancée, dans la fusée de cette trouvaille, il s’envole pour l’Angleterre où il étudie le dessin à l’Inchbald School of Design… Et là ! Ça loupe pas… Un étudiant, reste malgré tout un étudiant ! Les 400 coups, la bamboche, il est jeune, il bringue aux quatre coins du London by night… le London qui encaisse plein fouet le mouvement punk… autant dire que ça gigote dru chez les « rosbifs ». André y croise de nombreux artistes, dont de futurs et talentueux créateurs estampillés comme les princes de la récupe. Kif-kif… comme si vous découvriez de l’or dans une décharge, ces jeunes designers farfouilleurs chinent dans les bas-fonds tout ce qui est rebuts de ferraille, freins de poids lourds, poêles, et autres bric à brac abandonnés pour en créer des œuvres fonctionnelles… l’upcycling * avant l’heure… Au contact de ces troublions (les bons paroissiens diraient une belle bande de branleurs), André Dubreuil embrasse les métaux dans toutes ses diversités… fer, cuivre, acier, émail… c’est une révélation… autant de substances étonnement façonnables qui désormais seront sa marque de fabrique…

Et là mes amis… wahouh… cocorico… premier petit miracle, talent oblige, notre frenchy s’impose comme une figure majeure du design et de la création Outremanche… Attendez ! On n’en reste pas là. 1986, l’année 1986… c’est le second wahouh… le miracle sismique… l’illumination à 3 000 guirlandes… notre André à nous, accouche de la légendaire chaise « Spine » (traduction : colonne vertébrale… pour celles et ceux qui ont tenté d’apprivoiser l’espagnol en première langue). Rapidement, ce modèle devient une pièce iconique en faisant son entrée dans de nombreuses encyclopédies et musées dédiés au design… à tel point que cette fameuse chaise deviendra par la suite bien plus connue que son créateur… (Ça arrive souvent ce genre de bricole !). Toujours est-il que si cette fameuse chaise est celle qui illustre le plus sobrement possible le style André Dubreuil, elle n’est cependant qu’une jolie « fantaisie de jeunesse », une parenthèse, au regard de sa production aux mille facettes.

Revenu en France pour installer son nouvel atelier en Périgord, notre bonhomme affirme son goût unique pour les matières et les formes… pour des combinaisons uniques, pour des inspirations éclectiques… un tout qui reflète un grand débordement de créativité, une imagination toujours à la pointe de l’avant-garde. Aujourd’hui… c’est bien simple… ses meubles et objets dessinés, façonnés, sont d’authentiques raretés qui s’inscrivent sans conteste dans la grande tradition du mobilier à la Française.


Infos pratiques :


Par Phoebe Delune
Photo principale : © Photo Ambroise Tézenas
Autres photos : œuvres d’André Dubreuil – © Photos DR

* Note : L’upcycling, terme anglo-saxon, se traduit en français par « surcyclage » ou encore « recyclage par le haut ». Ce concept consiste à transformer des matériaux récupérés en objets de qualité supérieure, créant ainsi de la valeur à partir de ce qui aurait pu être considéré comme des déchets.