Tout fout le camp, mon bon monsieur ! Autrefois pierres angulaires de nos villes, les succursales de la Banque de France ferment les unes après les autres. Adieu, ces bastions historiques ! Pourtant, elles laissent derrière elles un patrimoine architectural unique en France…
Pas à dire… ces imposantes et anciennes succursales de la Banque de France, disséminées façon puzzle aux quatre coins de l’Hexagone, étaient un terreau fertile à toutes sortes de fantasmes. On s’imaginait les directeurs de ces institutions tels des oncles Picsou, plongeant tête la première dans des pistoches remplies d’argent, enchaînant les doubles saltos arrière au beau milieu de coffres débordants de lingots et de grosses coupures. Pendant ce temps, à l’extérieur, des cerveaux malicieux mijotaient des plans de casses pharaoniques, avec comme récompense ultime le rêve d’une retraite anticipée sous les palmiers d’Honolulu. Mais ne rêvez plus, mes amis, les caisses sont vides ! La faute à qui ? Aux habitudes de paiement des Français, qui boudent de plus en plus le bon vieux cash… changements de comportement qui ont eu raison d’une bonne partie des plus de 250 Banques de France territoriales… Terminé de stocker par ci par là des montagnes de blé… une succursale régionale bien dodue suffit amplement aujourd’hui à faire tourner la boutique…
Clap de fin et rideau ! Fini les lingots et les liasses de billets, place aux pancartes « À vendre ». Il est temps de tirer sa révérence et d’entamer une reconversion pour ces mastodontes de pierre. Seconde jeunesse oblige, on les relooke en centres culturels, en maisons de retraite, en logements ou encore en bureaux pour des activités tertiaires. Parmi ces fermetures emblématiques, on compte celle de Périgueux en 2021. Près d’un siècle et demi de longévité pour cette succursale qui a ouvert ses guichets en janvier 1872, époque où l’argent sentait encore le cuir et le cigare. Après une première extension en 1913, l’édifice a vu ses murs s’élargir encore en 1926, pour absorber le boom financier de l’après Première Guerre mondiale. Et c’est ainsi, mes amis, que nous nous retrouvons avec ce bâtiment tel qu’il est aujourd’hui : un ancêtre tenace, témoin d’un passé prospère et digne représentant d’une certaine saga immobilière.
Des coffres débordants de lingots et de grosses coupures !
Dans le détail, mes chers, comme nombre de ses consœurs toutes bâties sur le même plan, la succursale de Périgueux exhibe une architecture néo-classique qui ferait pâlir d’envie le plus rigide des académiciens : des rectangles parfaits, des fenêtres alignées comme des soldats en parade. La façade en pierre, rehaussée de toits à la Mansart ou à quatre versants, couronne ce petit bijou architectural. Pour accéder à la cour d’honneur, il faut passer par un portail en pierre digne d’un château, une entrée qui clame haut et fort «ici, c’est la classe, les enfants».
Ensuite, on monte un perron simple mais élégant, parce qu’après tout, pourquoi faire compliqué quand on peut faire chic ? Et à l’intérieur, c’est du sérieux, du costaud, du poids lourd de la finance : un vaste hall d’accueil qui impose le respect dès le premier regard, des bureaux où l’argent a été chéri et chouchouté comme un bébé royal, et des salles de coffres où même la poussière semble avoir une certaine noblesse. Bref, ici, chaque pierre respire la rigueur et la prospérité, chaque détail murmure « Ne vous méprenez pas, ici, on ne plaisante pas avec l’argent ». En somme, un véritable écrin pour nos trésors d’antan.
Par Phoebe Delune
Nous remercions les propriétaires de ce bel édifice de nous avoir permis la réalisation de cet article.
© Photos Luc Fauret